NINE AUX FOLIES BERGERE
 

 

(...) L'esthétique générale de Nine respecte le noir et blanc et l'esthétique haute couture capiteuse milanaise, avec une profusion de filles en petites culottes (blanches) et porte-jartelles (blancs). Saverio Marconi, le metteur en scène, a su utiliser la machinerie des Folies Bergère, effets de miroirs, trappes sous la scène, nacelles tombant des cintres, non sans un certain humour: là où jadis descendaient des petites femmes nues, ce sont des religieuses en cornettes.

Jérôme Pradon, qui a hérité du premier rôle, écrasant -car tenu par Mastroianni au cinéma- prouverait à lui tout seul qu'il y a en France de bons éléments pour un théatre musical, même s'ils doivent jouer plus souvent en Grande-Bretagne qu'à Paris. Autour de lui se détache Annyck Ciaruk, la productrice cuir et plume d'autruche, en lieu et place de Liliane Montevecchi qui décrocha en son temps un Tony Award. Au passage, on décernera aussi deux mentions spéciales à Alyssa Landry et ses coiffures gonflées en directrice de l'établissement thermal, ainsi qu'à Mimma Lovoï, en Saraghina, louve dépuceleuse de gamins. Globalement, l'équipe possède une vraie fraîcheur.

Nettement moins probant, en revanche, les chansons sont souvent plates, sinon niaises; le point culminant de cette faiblesse intervenant avec l'explication du titre: Neuf parce que le metteur en scène avait 9 ans et était alors tout neuf lors de sa rencontre avec la plantureuse prostituée... Ah bon? De son côté, la musique de Maury Yeston est assez typique de ce qu'on peut entendre à Broadway, entre variété rythmique jazz et petites pointes classiques. Rien de follement original, toute comparaison avec Nino Rota étant définitivement exclue.

Mais dans l'ensemble, on reconnaîtra que la mayonnaise prend: les scènes coquines réveillent l'action; l'équipe dégage une certaine sympathie; les costumes possèdent une réelle élégance dans l'esprit des revues (au final, on voit même quelques robes et chapeaux originaux de Juliette des Esprits, mélés aux nouveaux costumes). Et puis, les amoureux du théatre musical sont si mal lotis à Paris que, pour une fois qu'on y crée une production un peu ambitieuse, il serait un peu mal venu de faire la fine bouche.

En attendant de voir peut-être un jour les merveilles de Stephen Sondheim.

  -Hélène Hazera
Libération
30 septembre 97